mercredi 14 janvier 2015

Il y a

Note de lecture publiée dans la revue Lire au collège n° 95, février 2014

Depuis les tranchées, alors que la guerre bat son plein, Guillaume Apollinaire écrit. Son amour intarissable pour Madeleine Pagès, sa bien-aimée rencontrée quelques mois avant de s'engager comme volontaire dans l'armée française, mais aussi la dure réalité du front transparaissent dans ses lettres.


Il y a est un voyage au cœur du quotidien d'Apollinaire. Éclairé par les peintures de Laurent Corvaisier, ce poème nous fait osciller entre scènes de guerre terrifiantes et scènes rêvées, réconfortantes. Des images aux couleurs chaudes, lumineuses, présentent l'auteur dans les bras de sa fiancée, réunis au premier plan d'un concert endiablé. Elles alternent avec un noir et blanc glacial, illustrant les croix à perte de vue des cimetières improvisés, ou dépeignant des blessés au visage écorché. Les métaphores prennent vie et s'animent. Les "saucisses" dans le ciel apparaissent sous forme de zeppelins menaçants ; les amoureux voguent à bord d'une "barque" symbolisant cet amour qui berce et réconforte le combattant. On apprécie également l'insertion de plusieurs photographies d'origine, notamment d'un portrait saisissant d'Apollinaire en compagnie de Madeleine, qui ancrent véritablement le texte dans l'Histoire. Durant tout le conflit, le poète n'a cessé d'écrire, affrontant ainsi l'inhumanité des conditions de vie. La dimension salvatrice de ces correspondances est maintes fois évoquée au travers d'un vaguemestre baigné de lumière, ou de cet encrier de fortune fait de cartouches allemandes. Cette histoire de sentiments qui défient le temps, les distances, et qui donnent la force à un homme de survivre nous touche, rappelant que beaucoup d'autres ont également été confrontés à cette douloureuse séparation.

Premier livre-événement des Éditions Rue du Monde estampillé du label 100 ans et véritable témoignage de guerre, il nous tarde de découvrir les autres œuvres à venir.

Il y a, Guillaume Apollinaire -  Rue du Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire