dimanche 3 avril 2016

Ma meilleure amie s'est fait embrigader

Je vous retrouve cette semaine avec un nouveau roman que m'a fait parvenir les éditions La Martinière, que je remercie fortement. Dounia Bouzar est une anthropologue grenobloise, notamment à l'origine du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam, qui a sauvé plus de mille jeunes - rien que ça me direz-vous ! Elle est déjà l'auteure de plusieurs essais, toujours en lien avec cette thématique qui lui tient à cœur, "sortir de l'emprise djihadiste". 
C'est à-travers la fiction qu'elle veut aujourd'hui toucher le jeune public. Et quoi de mieux qu'un roman mettant en scène deux adolescentes, deux meilleures amies que rien ne semblait pouvoir séparer ?

Camille et Sarah se connaissent sur le bout des doigts, partagent tout depuis deux ans. Pourtant, tout change très rapidement. Camille, en surfant sur la toile, tombe sur des sites qui mettent toutes ses certitudes en doute. Notre monde actuel est corrompu, on essaye de nous duper, rien de ce qu'elle a appris n'est vrai. Le seul espoir, la seule lueur qu'elle perçoit dans ce chaos qu'elle découvre, c'est de se tourner vers un islam radical qui apporte des solutions. De fil en aiguille, elle entre en contact avec des personnes chargées en réalité d'embrigader des jeunes pour la Syrie. Ces contacts la rassurent, la guident soit-disant vers le chemin de la "vérité"... Lorsque Sarah et la famille de Camille réalisent ce qu'il se passe, il est déjà trop tard. Camille n'est plus la même. Il s'ensuit alors une longue route pour la ramener dans le droit chemin, mais Sarah fera tout pour sauver sa meilleure amie.

Ce qui est intéressant dans ce roman, c'est d'une part le choix des personnages. Camille, bonne élève, grandit dans une famille aimante, laïque. Elle n'a donc a priori aucune raison de tomber dans le piège de l'islam radical. Et pourtant, cela peut arriver à tout le monde. Il n'y a pas de profil-type, chaque adolescent, plus ou moins fragilisé à un moment donné peut se retrouver à chercher du réconfort au mauvais endroit. Par manque d'information, c'est ce que semble soulever Dounia Bouzar. Internet est un espace tellement vaste. Il n'y a pas de filtre, et c'est clairement là le danger. Ensuite, elle identifie les signes qui doivent alerter. L'adolescent se replie sur lui-même, se coupe du monde. C'est la principale technique utilisée par les recruteurs, qui tentent d'éloigner les jeunes de leur entourage. Enfin, elle apporte des éléments pour parer à cet embrigadement. Lorsque les parents de Camille apprennent la situation, ils rejettent tout en bloc. Ils la menacent, rejettent la religion vers laquelle elle s'est tournée dans son intégralité, ce qui ne fait que renforcer les convictions de Camille. Dounia Bouzar met en lumière le fait qu'il faut au contraire lui montrer tout l'amour qu'on lui porte, chercher à comprendre pourquoi elle était fragilisée, ne pas l'abandonner. 

J'admire Dounia Bouzar. Heureusement qu'elle est là, qu'elle se bat de tout son être pour faire changer les choses. Elle écrit en connaissance de cause, on sent le vécu dans ses propos, l'expérience du terrain, les rencontres avec des gens à qui c'est réellement arrivé. Je ne peux qu'encourager cette initiative. Ce roman est à mettre entre toutes les mains !!

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